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Focus métier : Céline Brient, chirurgien bariatrique

Publié le 18 mai 2019

En 2016, sur 1007 chirurgiens viscéraux en France, seulement 15 % étaient des femmes. Cependant la profession se féminise et elles sont de plus en plus nombreuses dans les blocs. Nous avons rencontré le Dr. Céline Brient, chirurgien digestif à la clinique mutualiste de l’Estuaire de Saint-Nazaire.

 

Depuis quand êtes-vous à la clinique mutualiste de l’Estuaire et quelles sont vos spécialités ?
J’exerce à la clinique depuis trois ans, en chirurgie digestive (hernie, vésicule, colon…), chirurgie endocrinienne (thyroïde…) et chirurgie bariatrique. La chirurgie bariatrique représente environ un tiers de mon activité.

Qu’est-ce qui vous a décidé à devenir chirurgien ?
Je n’ai aucune lignée médicale dans la famille et la médecine a été une vocation tardive. J’ai fait mes études de médecine à l’hôpital Saint-Antoine à Paris et c’est à l’occasion d’un stage d’externe en chirurgie digestive que j’ai décidé de m’orienter vers la chirurgie. La chirurgie est une spécialité qui permet d’avoir un impact immédiat sur une pathologie, l’aspect manuel me plaisait beaucoup et l’ambiance du bloc opératoire est vraiment unique.

Quel a été votre parcours avant d’arriver à la clinique mutualiste de l’Estuaire ?
Pour mon internat, j’ai choisi la chirurgie digestive au CHU de Nantes. J’y ai passé cinq ans, puis je suis partie un an et demi au CHU de Marseille pour me former en chirurgie endocrinienne. Je suis ensuite revenue à Nantes pour mon clinicat, au cours duquel je me suis également spécialisée en chirurgie bariatrique. C’est lorsqu’on devient chef de clinique qu’on prend vraiment toute la dimension du métier de chirurgien car on a la responsabilité de ses propres patients, on opère seul. J’ai démarré mon activité de chirurgien à la clinique mutualiste de l’Estuaire en novembre 2014.

Quelles sont les qualités requises pour ce métier ?
D’abord, il faut être manuel ! Il faut aussi avoir le sens des responsabilités car on arrive en bout de chaîne, ce qui implique de savoir dire « je n’opère pas » quand c’est nécessaire. Et aujourd’hui, le chirurgien doit être capable d’expliquer et de faire preuve de pédagogie quand il est face à un patient, même si finalement il le voit très peu par rapport au médecin endocrinologue. Nous devons exposer les principes mais surtout les risques des interventions, même si les complications restent rares.

Qu’est-ce qui vous plait dans la chirurgie bariatrique ?
C’est une spécialité où la prise en charge du patient est pluridisciplinaire, il y a un vrai travail d’équipe entre le chirurgien, le médecin endocrinologue ou nutritionniste, le psychiatre, le diététicien…  C’est aussi une spécialité où l’on est là pour améliorer la qualité de vie des patients. On a l’occasion de constater ces améliorations au cours des consultations de suivi. Ce qui me plais aussi, c’est de m’occuper de patients plutôt jeunes.

Quelles sont vos interventions les plus fréquentes ?
A la clinique, nous effectuons en moyenne 200 procédures de chirurgie bariatrique par an à deux chirurgiens. Les deux-tiers de ces interventions sont des sleeves gastrectomy et le tiers restant des gastric bypass en Y. La sleeve consiste à enlever une partie de l’estomac et pour le bypass, en plus de réduire la taille de l’estomac, nous réalisons un court-circuit sur l’intestin grêle afin de moins absorber les aliments ingérés.

Comment est pris en charge un patient qui se fait opérer d’une chirurgie bariatrique à la clinique mutualiste de l’Estuaire ?
En amont, nous organisons 3 ou 4 fois par an des réunions d’information ouvertes à tous à la clinique sur la chirurgie bariatrique. Le patient qui entre dans le parcours pré-opératoire va d’abord être suivi pendant au moins 6 mois par un médecin endocrinologue ou nutritionniste. Puis il participe à une consultation groupée d’une dizaine de patients, au cours de laquelle interviennent le chirurgien et la diététicienne. La 1re consultation individuelle avec le chirurgien intervient après, si l’endocrinologue a donné son aval. Puis la clinique propose une journée d’hôpital de jour (HDJ) par groupe de six patients, avec l’intervention d’un médecin, de la diététicienne, du psychiatre ou psychologue et d’un enseignant APA (Activité Physique Adaptée). Enfin, c’est à l’occasion de la Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) que les professionnels décident d’opérer ou pas. La 2e consultation chirurgicale où l’on fixe la date opératoire a lieu par la suite après avoir effectué le bilan d’opérabilité (consultations cardiologique, pneumologique et gastro-entérologique).

Comment se passent vos consultations en chirurgie bariatrique ?
J’ai autant d’intérêt pour les consultations que pour l’acte chirurgical. Ce sont souvent des consultations un peu plus longues car il y a besoin d’informer les patients sur les gros changements qui les attendent et sur les risques de complications. Il faut aussi intégrer la famille dans le projet opératoire, environ la moitié de mes patients viennent accompagnés en consultation. Mais tout l’intérêt de la chirurgie bariatrique, c’est le suivi. 30 % des patients reprendront du poids quelle que soit l’intervention chirurgicale réalisée, et il s’agit bien souvent de ceux qui disparaissent des consultations nutritionnelles postopératoires.

Quelle est votre place dans le suivi post-opératoire des patients ?
Je revois mes patients à 3 mois, 1 an et 2 ans après l’intervention (nb : conformément aux recommandations HAS). Quand on revoit les patients 3 mois après l’opération, ils viennent de sortir de la phase où ils mangeaient peu, ils se posent beaucoup de questions sur leur perte de poids. La partie la plus agréable pour moi, c’est le suivi à un an : ils revivent, ils font à nouveau des activités, leur qualité de vie s’améliore. Souvent je ne les reconnais pas ! La consultation à 2 an permet de s’assurer de la pérennisation de la perte de poids et toujours de rechercher des effets indésirables des chirurgies. C’est bien souvent à 1 an ou 2 ans de l’opération que certains patients demandent à être envoyés auprès d’un chirurgien plasticien pour une prise en charge chirurgicale réparatrice.

Quelles difficultés rencontrez-vous dans votre métier ?
Le plus difficile à gérer, c’est au niveau de la responsabilité que l’on a. Dès qu’il y a une complication, je repense au patient quand je rentre chez moi, il y a un retentissement sur ma vie familiale. C’est d’autant plus le cas que ce sont souvent des patients entre 30 et 40 ans, avec des enfants en bas âge. Mais pour autant, il ne faut pas être détaché, sinon il n’y a plus d’intérêt à prendre en charge des patients.

Quelle est la place des femmes dans ce métier réputé masculin ?
Il y a de plus en plus de femmes en chirurgie digestive, même si c’est encore une majorité d’hommes. Je suis arrivée après la génération des femmes qui ont dû se battre pour faire leur place en chirurgie et je n’ai jamais ressenti de blocages vis-à-vis de moi. C’est vrai qu’il y a des caractères assez directs dans ce métier, qui nécessite parfois de prendre des décisions rapidement. Alors en tant qu’étudiante en médecine, il ne faut pas être susceptible, c’est sûr.

Comment voyez-vous votre avenir professionnel ?
J’aimerais pouvoir augmenter mon activité en chirurgie bariatrique. J’augmente d’ailleurs le nombre d’interventions chaque année depuis trois ans.  Je suis passée de 32 opérations en chirurgie bariatrique en 2015 à 47 en 2017 au 1er octobre. Aujourd’hui, j’ai la chance d’exercer une activité qui me plait, dans une région agréable et j’ai une vie de famille de qualité. Alors cela va plutôt bien !

Propos recueillis par Anne-Cécile Adam